Big Brother prend la mer

Il y a deux ans, l'Union européenne a décidé de mettre en place des contrôles de plus en plus stricts pour réglementer la pêche professionnelle. Chaque bateau de plus de 12 mètres doit être équipé d’une balise, un "mouchard" qui émet toutes les heures et qui transmet par satellite, la position, le cap et la vitesse. Le fonctionnement est automatique, impossible d’y échapper. Derrière ses écrans d’ordinateurs, l’œil du Centre National de Surveillance des Pêches basé à Etal dans le Morbihan est aux aguets. En cas de soupçon, une vedette (Douane, Affaires Maritimes, ou Gendarmerie) ou un avion Falcon est envoyé sur place. Désormais, partout, Big Brother maîtrise les mers. Il est donc bien loin le temps où les pêcheurs partaient en mer, libre de toutes contraintes. Le temps où ils pouvaient puiser sans limites sur une ressource que l’on croyait infinie. La surpêche est devenue un mal endémique et l’Europe depuis des années voulait limiter les prises. 
Au départ, il y eut des quotas, et des mesures pour limiter la puissance des moteurs, ou organiser la casse des bateaux. Des mesures parfois spectaculaires, mais qui n’ont jamais été totalement efficaces. Aussi, il y a deux ans, l’Union Européenne décide de changer de tactique et de se lancer dans un véritable contrôle permanent qui se veut aussi infaillible que possible. La pression sur les pêcheurs est continue. Les professionnels se plaignent de ces nouvelles contraintes permanentes auxquelles ils doivent se soumettre. Ils apprécient assez peu ce qu’ils vivent comme un "œil de Moscou" qui les marque à la culotte… même s’ils comprennent la "raisonnable nécessité" de ces contrôles pour donner un avenir à la pêche. Bientôt, comme pour les automobilistes, un système européen de permis à points sera mis en place. Révolue l’époque où le capitaine représentait à bord la seule autorité d’un monde sans frontière, sans loi, sauf celles que chacun voulait bien se donner. La mer qu’ils ont connue est en train de disparaître, une part de notre imaginaire disparaît avec. L’océan est devenu un nouvel espace de contraintes et de réglementation sous haute surveillance.