Berceuse

Eau. Liquide amniotique. Mer. Femme. Matrice.
La caméra se promène à la surface de l’eau, des tableaux impressionnistes apparaissent. L’eau rougeoie. L’enfant naît.
Quand j’étais petite, ma mère m’a montré un livre pour m’expliquer comment naissent les enfants. Un homme et une femme s’embrassaient devant le soleil couchant, les poissons se mêlaient aux reflets du soleil dans l’eau... Marseille, fin de journée, je rêve devant la mer rougeoyante.
Je donne vie à mes rêves, avec ma camera. Mon amie d’enfance, Sara, enceinte, est avec moi, je la filme parmi les autres baigneurs. Je filme la lumière changeante, parfois inquiétante, les nageurs, les bateaux, le soleil au loin... Le lendemain, Sara accouche.
Quelque jour plus tard, je rends visite à mon ancienne colocataire Cécilia, mère depuis un mois. Je la filme, elle essaie d’endormir Gaston. Une guirlande de lumière rouge, donne un aspect étrange à la scène. Elle m’apparaît alors comme un archétype, une figure intemporelle. Je pense à la figure de la Madone dans les peintures religieuses.
Mes deux amies proches, deviennent mystérieuses dans leur maternité, comme si elles révélaient une essence qui m’était étrangère. Je décide de monter les images ensemble, intuitivement, de lier l’intérieur et l’extérieur. Je me laisse porter par le balancement, je joue avec les superpositions, les différentes échelles de plan, les couleurs... Des tableaux impressionnistes apparaissent.
Sara, Cécilia, ne font plus qu’un. L’eau coule dans leur corps. Je joue avec les symboles : le crépitement de l’eau comme le grouillement des spermatozoïdes, une tête qui apparaît à la surface de l’eau rouge sang, un rameur qui se dirige rapidement vers le soleil, une cavité rocheuse qui évoque le vagin et va accueillir l’enfant. Je décide de ne pas utiliser le son de l’eau mais de créer une musique intérieure, celle du liquide amniotique, dans lequel baigne l’embryon, liquide sans cesse renouvelé.