Les Anges de Sinjar

Dans les monts Sinjar du nord de l’Irak, berceau du peuple yézidi, l’État islamique a commis, en 2014, des massacres qualifiés de génocide par l’ONU et le Parlement européen, faisant des milliers de victimes. Les hommes de cette minorité kurdophone ont été exécutés ; les femmes et les enfants, enlevés puis réduits en esclavage, torturés et violés. Après le départ de Daech en 2015, les survivants ont pu retrouver certains membres de leur famille, mais beaucoup sont toujours portés disparus.
Les cinq sœurs de Hanifa, dont la cadette n’est âgée que de 7 ans, ont été capturées sous ses yeux par les djihadistes, plongeant leur père dans un insurmontable chagrin. Si deux d’entre elles ont pu en réchapper et se réfugier en Allemagne avec leur mère, la jeune femme, restée au pays, se bat inlassablement pour faire libérer les trois autres, quitte à négocier au prix fort leur rachat avec l’EI. Ravagé par la douleur, Saeed Murad – dont la sœur Nadia a reçu le prix Nobel de la paix en 2018 – tente lui aussi d’obtenir justice après avoir perdu les siens. Avec Hanifa, il voyage à travers l’Europe pour rappeler le sort subi par la communauté yézidi, dont la religion est fondée sur la croyance en un Dieu unique servi par sept anges.
Des montagnes d’une beauté à couper le souffle, encore hantées par les horreurs commises, aux ruines de la ville détruite de Sinjar, qui abritait autrefois 90 000 habitants, Hanna Polak a suivi au plus près le combat de ces survivants armés de courage. La voix étranglée, ils racontent le cauchemar et les exactions, mais témoignent surtout d’une force de vie inouïe pour résister au désespoir et poursuivre leur lutte. C’est cette énergie bouleversante d’humanité que la cinéaste s’emploie à capter sous forme d’hommage, saisissant, dans le chaos d’une rue poussiéreuse, les retrouvailles déchirantes de Hanifa avec une de ses sœurs qu’elle n’a pas vue depuis des années. Au fil des récits de ces victimes de l’ombre, une plongée dans une tragédie oubliée.