Youri Cayron
- Ayant droit
- Distribution
- Écriture
- Image
- Montage
- Production (structure)
- Réalisation
Youri Cayron, artiste vidéaste, né en 1981, vit et travaille à Marseille depuis 2008.
À la fin des années 60, Bruce Nauman avait anticipé que Bill Viola s’immolerait par le feu vingt ans plus tard. D’où la fontaine évidemment… Dan Graham m’a raconté cette histoire folle sorte d’oracle se reflétant dans un jeu de miroirs. Quelque temps plus tard, Paul Harrison entamait, accompagné de John Wood, une étrange partie de tennis. Je me suis dit qu’ils étaient vraiment fous tous ces types. Alors je me suis caché sous le chapeau de Robert Filliou… J’étais plutôt bien sous ce chapeau mais on s’est pris un sacré déluge ; Roman Signer nous avait tendu un piège ! Je n’étais vraiment pas au bout de mes surprises…
Alors, ne sachant plus trop quoi faire, j’ai eu l’idée d’emboiter le pas de Francis Alÿs. Qu’est-ce qu’il marche ce con ! Il me fait penser à un autre qui marche aussi. Il s’appelle Nicolas Mémain. J’ai cru qu’on irait jusqu’au bout du monde avec lui mais heureusement Wim Wenders l’avait déjà fait ! J’ai ensuite continué en taxi à côté de Béatrice Dalle pendant toute une nuit sur terre. Demandez à Jim Jarmusch si vous ne me croyez pas ! Sur le chemin, on est allé rendre visite à Kurt Schwitters qui faisait péter son plafond et comme ça faisait un peu de bruit, j’ai mis mon casque sur les oreilles. Mingus joue le conte d’une fleurette africaine, je me demande comment je peux penser en même temps aux Maîtres fous de Jean Rouch et à Step across the border de Fred Frith ! Je me dis qu’il y a une drôle d’alchimie, clin d'œil à Jean Marc Chapoulie…
Je commence alors mon enquête et interroge des journalistes. Et là je tombe sur Peter Watkins fumant la pipe avec Magritte pendant que des types, poursuivis par la police, courent dans le désert vers un drapeau américain au lieu d'être jugés et emprisonnés ! Je ne comprends plus rien, je prends une claque... J’aurai peut-être mieux fait de partir à moto avec Dennis Hopper ! On aurait rencontré des femmes et pris du LSD, cool ! Au lieu de ça, je me suis retrouvé au Macval à boire des coups dans un placard-disco avec Charles Bukowski. Remarque ce n’était pas plus mal, ça m’a permis de rencontrer Clément Rosset qui m’a sorti toute une théorie sur l’ivresse, le réel et son double… Mais Charles commençait à en tenir une bonne et m’a emmené dans une cave à Genève voir une sorte d’opéra porno-social. Le mec s'appelle Jean-Louis Costes. Dans une de ses interviews il dit : "c’est quand c’est raté que je commence à travailler". J’ai trouvé ça très intéressant. Mais tout allait trop vite, tout se dispersait, comme dans "l’art à l’état gazeux" ...
J’ai eu besoin d’air justement et je suis allé me reposer dans la forêt amazonienne en écoutant Linton Kwesi Johnson. Je commençais à m’endormir et là, Fitzcarraldo s’est pointé sur son bateau en diffusant du Verdi. C’était dingue ! Les indiens croyaient que le messie était arrivé ! Là je me suis dit qu’il était grand temps de revenir au tumulte de la vie moderne. J’ai troqué mon album de reggae contre Rossz csillag allât szuletett du canadien Venetian Snares dont la traduction est : né sous une mauvaise étoile.
Quelque temps après, je me suis retrouvé à Marseille, comme par hasard, où Akhénaton avait chanté : on n’est pas né sous la même étoile… Je suis tombé amoureux... À cette période Alain Badiou vint faire une conférence sur le thème abordé dans son livre "éloge de l’amour" dont je pliais et repliais les pages tout en pensant à Deleuze et à son acolyte Guattari… Dans une de mes anciennes vidéos, telle une manière d’interroger le temps et le paysage, je dresse trois arbres morts sur une plage, le ciel est à l’orage... Installation, sculpture, performance et vidéo sont aujourd’hui mes mots, mes images.
(Notice rédigée par Youri Cayron)