William Klein - PLAY PLAY PLAY
Le Musée d’art contemporain de Montélimar présente, pour la première fois en France depuis la disparition de l’artiste peintre, photographe et cinéaste, une exposition rétrospective dédiée à William Klein. Elle réunit plus de cent cinquante œuvres : tirages d’époque, impressions grand format, documents d’archives, livres, extraits de films.
Raphaëlle Stopin, commissaire de l’exposition, présente PLAY PLAY PLAY :
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William Klein est né en 1926, soit cent ans après l’invention de la photographie. Des années 1920 à notre XXIe siècle, du premier appareil compact des années vingt à ce petit rectangle plat que l’on a en poche cent ans plus tard, l’image fixe et animée auront été marquées par une succession d’inventions, visant à rendre leur réalisation et leur diffusion toujours plus accessibles. Dès leur naissance, photographie et cinéma ont ainsi leurs destins liés au progrès technique, à l’industrie qui le porte et ainsi à l’ambition de joindre les masses. C’est précisément cette nature ambivalente de l’image, prise entre art et mass media, cet art des foules, que William Klein, en examinant tous les ressorts, n’aura de cesse de convoquer dans son œuvre. À l’heure des réalités alternatives, deep fake et d’autres créations issues de l’intelligence artificielle, la persistance du caractère contemporain de l’œuvre de Klein frappe.
PLAY PLAY PLAY, le titre de l’exposition, entêtant, incantatoire résonne comme un slogan et rappelle le GUN GUN GUN formé par la répétition du gros titre à la une d’une pile de journaux photographiée par Klein soixante-dix ans plus tôt, exactement, à New York. Autre date anniversaire donc — à l’échelle d’une telle vie, d’autres se profileront —, 1954 marque l’entrée de Klein en photographie, appareil à la main, dans les rues de sa ville natale et la naissance d’un corpus d’images foisonnant qui donnera lieu à son premier livre, le toujours célébré New York.
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Fil rouge traversant l’exposition PLAY PLAY PLAY, le jeu marque l’œuvre de l’artiste. En premier lieu, se trouve le jeu du photographe avec son sujet, dans cette danse urbaine qu’il engage dès son opus sur New York et qu’il poursuivra dans ses grandes séries dédiées à Rome (1956), Moscou (1959), Tokyo (1961) puis sur le temps long, à Paris. Cette danse, amusée, chahutée parfois, est toute entière contenue dans les nombreux regards caméra qui habitent la photographie de Klein. À l’image de ce fameux cliché GUN 1, dans lequel un gamin, l’air méchant, pointe un pistolet de front, le regard caméra propulse le spectateur d’aujourd’hui sur le coin de Broadway et de la 103e rue, et révèle en contrechamp la présence du photographe. Klein dont les pas et gestes suivent le mouvement perpétuel de la foule et s’arrête là pour jouer avec le garçon et son jouet, à faire comme dans les films, PAN PAN !
Le jeu est aussi celui de William Klein, photographe, faiseur de livres, cinéaste, avec les codes en usage. De même qu’il utilise, de manière non conventionnelle, un objectif grand angle 28mm pour photographier parfois de très près provoquant flou et déformation, il n’hésite pas à recadrer drastiquement son négatif quand il l’estime nécessaire. Quand il entreprend de publier ses séries urbaines, il n’est pas plus académique vis-à-vis de la forme livre, en témoigne la maquette originale de l’ouvrage New York conçu par l’artiste et présentée dans l’exposition. Plusieurs registres s’y mêlent, faisant passer sans ménagement le lecteur de l’esthétique du comics trip à l’album photo du XIXe en passant par des sortes de plans séquences cinématographiques, le tout scandé par des mots en forme d’injonction, occupant seuls des doubles pages, plein cadre, mimant le langage publicitaire omniprésent dans la ville. Du jamais vu. Devenu cinéaste dix ans plus tard, en 1964, il investit l’image en mouvement avec la même liberté et signe dans cette décennie et la suivante, des films — à titre d’exemple, en 1966, Qui êtes-vous Polly Maggoo ? — aux partis pris formels inédits, mêlant sans ambages au sein d’un même film, cinéma vérité, trucages joliment naïfs à la Méliès, roman-photo...
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PLAY PLAY PLAY invite à suivre l’artiste sur les terrains artistiques, médiatiques et politiques qu’il a arpentés pendant plus de cinquante ans et sur lesquels il n’a cessé de remettre en jeu les modes de représentations. Le parcours engage le spectateur d’aujourd’hui à (re)vivre, au gré des mouvements et regards des enfants romains et tokyoïtes ou du géant Ali. Un siècle marqué — pour le meilleur et pour le pire — par l’emprise de l’image médiatique, et invite à apprécier la résonnance contemporaine de l’œuvre léguée.
Si William Klein était un monument, ce serait une colonnade, celle qui cadre d’un mouvement fluide l’agora, cet espace où l’on s’apostrophe, s’accorde et s’oppose, où l’on rit et l’on gueule, où les couples enfin, échangent des baisers et les gamins, des paniers."
En parallèle de l'exposition, le cinéma Les Templiers programme une sélection de films de William Klein. Une conférence autour de l’œuvre de l'artiste sera également proposée par Jacques Damez le 29 septembre 2024.
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