Divorce à l'amiable

Jean et Marie ont décidé de se séparer après une douzaine d'années de vie commune : divorce à l'amiable disent-ils, mais est-il possible de rompre un engagement comme celui d'un mariage et d'une famille avec maturité et courtoisie ? Et ces deux mots ne seraient-ils pas antinomiques en une période de crise aussi violente ?
C'est que tout se mêle et se bouscule devant la caméra de façon presque archaïque et brutale. À quoi sert, pourrait-on se demander, de filmer le théâtre intime de la haine et des règlements de compte sur un mode aussi réaliste ? Entre la tragédie des Atrides, Dallas et une fiction de Cassavetes, l'intérêt de ce film n'est-il pas déjà de bousculer les repères entre reportage, théâtre et fiction ?
Mais alors, disions-nous, cinéma vérité ou voyeurisme ? Si les protagonistes de ce film ont accepté sur le moment d'être filmés chez eux, en famille, dans une telle période de crise, peut-on montrer ensuite toutes les scènes ou doit-on en couper certaines sachant qu'il sera diffusé un an après le tournage. Doit-on dans ce cas privilégier le spectacle ou penser à l'impact de certaines scènes sur les enfants et le couple légèrement dégrisé ? Censure ou humanité ? Jusqu'où peut aller le cinéma du réel ? Qui doit-on protéger alors, le spectateur, les "acteurs" ou la conscience morale du monteur et du producteur ?
Quelle peut-être enfin la position d'un réalisateur convié à partager et à filmer cette période de déchirements ? Partie prenante d'un conflit, utilisé à son insu par l'un ou l'autre des belligérants ; ou tout simplement dramaturge, tirant parti d'un drame humain pour en faire une œuvre ?
Poser toutes ces questions sans leur donner de réponse toute faite, pour nous laisser le plaisir de continuer à penser : tel est sans doute l'autre intérêt majeur de ce film, intense et dérangeant.