Parlez-moi d'amour

La question est bien là : réussir à "parler" d'amour quand on est un adolescent, et particulièrement un jeune issu de ces fameuses cités de banlieue. Car quand on est un mec, un vrai, on parle de tout sauf de ses sentiments.
Et puis, comment réussir à concilier des pulsions ou des fantasmes bruts, issus des zones sombres de soi-même et sans cesse relayés par l'univers du porno ou de la pub, avec les émotions et les incertitudes de ces jeunes hommes souvent mal socialisés, dans un contexte de double appartenance culturelle ? D'un côté, une tradition familiale d'origine souvent musulmane qui voile et isole les femmes, de l'autre une culture occidentale qui affiche un impératif de jouissance sur tous ses murs ?
C'est parce qu'il a lui-même travaillé comme surveillant dans les collèges de ces quartiers difficiles que le réalisateur Hamid Saadia a pu approcher et filmer ces jeunes gens en quête d'eux-mêmes. Entre les rumeurs de "tournantes", les propos férocement machos sur celles qui "aiment cela" et leurs propres rêves simples de bonheur, la palette est large de postures et de propos contradictoires.
Cela se passe sur le quai de la gare de Ris Orangis dans le Neuf Un, quartier général de cette bande de garçons frimeurs et au début presque inquiétants. Les trains passent et repassent jusqu'au moment du film où nous apprenons à découvrir Abdel, Antonin et les autres, attachants et fragiles, qui cherchent difficilement leur équilibre et leur vérité, comme tant d'autres garçons.