Victor-Lévy Beaulieu : du bord des bêtes

"Lévy a un gros ventre et un gros nez comme Balzac. Il porte le béret et la barbe blanche comme Hugo. Il vit avec mille chiens, mille chèvres, qui brament et font tous les temps dans sa maison et tout autour. Il n’écoute pas beaucoup quand on lui parle. Il ne répond pas souvent au téléphone. On n’est jamais sûr s’il est content de nous voir mais il n’a jamais hâte qu’on parte. Dans sa maison, on entend les tic tac d’horloges qu’il ne remonte jamais. Il a tout son temps et le passe à cueillir des framboises, nu dans son jardin, ou encore à écrire. Quand il écrit, il est tous les personnages à la fois et toutes les émotions du monde déferlent sur la grande feuille de notaire où il aligne les mots. Passion, folie, amour, violence, vie et mort, tout est là et souffle très fort. Alors il n’y a plus rien à dire. On n’a qu’à se poser et à rendre les armes. On n’a plus qu’à passer avec lui du bord des bêtes, ce territoire de toutes les tendresses qu’il habite secrètement au quotidien. Et si on ne peut pas parce qu’on a un film à réaliser sur lui, on attend la prochaine occasion.