Maniquerville

Documentaire
    Réalisé par Pierre Creton • Écrit par Cyril Neyrat, Pierre Creton, Marie Vermillard
    France • 2009 • 83 minutes • Digital vidéo • Noir & Blanc
  • N° ISAN :
    non renseigné
Résumé

"Je ne me suis jamais dit : “Je vais faire un film sur la vieillesse”, d’ailleurs je ne cherche jamais le sujet d’un film. Je me demande comment filmer, mais jamais quoi, ou qui. J’aime me laisser mener par une rencontre, celle d’un lieu, d’une personne… ou bien d’une situation. […] J’ignorais en envisageant ce film que le Centre [de gérontologie] allait déménager. La perte et la disparition n’étaient pas à l’origine du projet. […]
Le livre essentiel pour Maniquerville c’est évidemment À la recherche du temps perdu. J’étais à Trouville lorsque je relisais un passage de la fin d’À l’ombre des jeunes filles en fleur, au moment où le narrateur aperçoit sur la route trois arbres qui le remplissent de bonheur, des arbres qui lui sont familiers mais qu’il n’arrive pas à reconnaître. “Son esprit ayant trébuché entre quelque année lointaine et le moment présent”.
Nous décidons avec
Françoise Lebrun qu’elle lirait Proust en compagnie des résidents. Avec le déménagement du Centre loin de Maniquerville, on oblige des personnes à vivre, à finir de vivre sur un site qu’elles n’ont pas souhaité. De plus, ce nouveau paysage n’est en rien lié à leur histoire. Ce n’est ni la ville, ni la campagne, ni la mer, mais une zone péri-urbaine, dont le paysage se borne à des ronds-points et des parkings."
(Pierre Creton, Cultiver, habiter, filmer, conversations de Pierre Creton avec Cyril Neyrat, éditions Independencia, 2010)

"Le centre de gérontologie de Maniquerville, dans le Pays de Caux, accueille des personnes âgées atteintes de maladies neuro-génératives. La comédienne Françoise Lebrun vient régulièrement de Paris faire des lectures de Proust aux résidents du Centre. Un lien fort s’instaure entre la comédienne et Clara Lepicard, animatrice du Centre. Voilà posés le cadre, le protocole ou la trame narrative, comme on voudra. Mais on ne sera pas surpris que Pierre Creton vienne l’élargir à une dimension autre que celle que la sociologie retient d’ordinaire. Car son projet n’est autre qu’une adaptation très libre, mais scrupuleusement fidèle aussi (le texte y est lu, patiemment, abondamment, intensément), de La Recherche du temps perdu, comme si les personnages du livre se levaient des pages pour devenir devant nos yeux les auditeurs du récit de leur propre vie et les spectateurs de leur propre décrépitude. Mieux qu’un triste état des lieux donc, ce que Maniquerville complote, ce sont des métamorphoses. Transformer, par exemple, par la grâce d’un champ contrechamp, un visage de vieille dame âgée en une fine fleur blanche. Renvoyer l’outrage du temps qui passe des résidents à la grande bâtisse qu’ils ont occupé autrefois, demeure proustienne désormais vide et promise à la destruction. Évoquer, depuis l’immobilité d’un fauteuil roulant, les souvenirs de départ en mer. etc.
Rien ici n’est stable, et Françoise Lebrun et sa complice Clara Lepicard le soulignent au final, riant d’une lecture à deux voix d’un extrait de Blanchot, aux accents comiques, sur l’immense générosité de la fatigue."
(Jean-Pierre Rehm - FIDMarseille)

"Maniquerville gerontology center, in the Pays de Caux (Normandy), accommodates elderly persons who suffer from neurodegenerative diseases. French actress Françoise Lebrun regularly comes from Paris to read out Proust to center residents. A strong bond has grown between her and center coordinator Clara Lepicard. Enough for the context, protocol or narrative framework, as you may call it. Pierre Creton obviously chooses to broaden the subject to an other dimension, leaving behind the usual sociological approach. His project is a free but strictly accurate adaptation of Remembrance of Things Past (the text is read patiently, abundantly, intensely), as if the characters from the book were raising from its pages to become before our eyes the audience of their own life stories, the spectators to their own decrepitude. Rather than a sad inventory, Maniquerville brings about real metamorphosis. For instance, when turning an old lady’s face into a delicate white flower via a shot/ reverse shot. When drawing a parallel between the ravages of time on the residents and on the old building they used to live in, a Proustian house now empty and about to be pulled down. Or when somebody confined to a wheelchair calls up sailing memories, etc. Nothing is stable there, and Françoise Lebrun and her accomplice Clara Lepicard point it up at the end of the film, laughing during the two-voice reading of a comic extract by Blanchot, about the boundless generosity of fatigue."
(Jean-Pierre Rehm - FIDMarseille)

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