Lire et Écrire, 01

Dans cette émission de Pierre Dumayet et Robert Bober, des promenades, des rêves et des découvertes, aux côtés de Jean Tardieu, de Peter Handke et de Ludwik Vaculik, avec pour toile de fond des tableaux de Cézanne et du Douanier Rousseau.
Dans son dernier livre, Jean Tardieu évoque les lieux de son enfance bourgeoise, brisée par la guerre de 1914, la misère, la riche marraine chez laquelle "on vient chercher Monsieur Jean", la rencontre des gloires de l'époque et les jeunes écrivains encore inconnus. Il suffit d'une phrase, d'une image, d'une question extraite du livre pour que Jean Tardieu se raconte, qu'il exorcise certains troubles, qu'il soit lui-même surpris par ses propres mots. Perturbé il y a quelques années par le sentiment de vivre un quotidien étrange, il voit dans ce malaise l'origine d'une logique créatrice, cette clairvoyance commune à celle des peintres (son père en était un).
Dans la suite de l'émission, Peter Handke évoque deux de ses ouvrages : Le Chinois de la douleur (1986) et La Leçon de la Sainte Victoire (1985), tous deux parus chez Gallimard. Lors d'une exposition de Cézanne au Grand Palais, Peter Handke est soudainement captivé par les différentes toiles de La Montagne Sainte Victoire. Envoûté par chaque point du tableau, il part à Aix-en-Provence, en suit toute la crête, à la recherche de ce "point invisible à l'oeil nu" qui ne cesse de revenir dans les tableaux de Cézanne. Cette peinture devient une expérience personnelle, un voyage, une réalisation de l'espace, vécue comme un lieu du corps, calme et exaltante à la fois. Le Chinois de la douleur dévoile aussi cette vie, ces choses après la révélation de "l'imperceptible différence".
Ludwik Vaculik, journaliste, éditeur clandestin et écrivain dissident, a suivi ce bon conseil de Jiri Kolar : "Si tu n'arrives pas à écrire, alors écris ce qui t'empêche d'écrire". Son Manifeste des 2000 mots paru à la fin du Printemps de Prague en 1968 a tenté de réveiller l'histoire. N'ayant jamais quitté son pays, il a fait paraître La Clé des songes en août 1989, évoquant vingt-deux années de vie surveillée et l'évolution de la Prague littéraire. Chaque jour, Ludwik Vaculik écrit dans ses carnets ce qu'il refuse de dire lors des interrogatoires policiers qui ponctuent sa vie de proscrit de l'intérieur.