Mèches d'or

Se faire couper les cheveux ? Quelle idée ! Depuis une quinzaine d'années, les coiffeurs occidentaux révisent leurs classiques. Le développement de l'extension capillaire modifie radicalement un marché où artisanat local et mondialisation tentent de cohabiter. Pour satisfaire la mode européenne, les entrepreneurs se tournent vers l'Inde, où des centaines de tonnes de cheveux sont vendues chaque année. La tradition hindoue voue en effet un culte à la chevelure, reflet de la beauté et siège de l'âme. En faire don au dieu Vishnou constitue la plus belle preuve de dévotion. Des millions de pèlerins se pressent donc tous les ans au temple hindouiste de Tirumala, le plus sacré et le plus riche du pays, pour accomplir ce rituel millénaire. Mais la plupart d'entre eux ignorent que cet acte de foi alimente un circuit commercial. Une fois récoltés et triés, les cheveux sont vendus aux grossistes indiens puis aux entreprises occidentales. Celles-ci dépigmentent, traitent, recolorent les mèches, avant de les redistribuer aux quatre coins du globe. Cette ressource entièrement naturelle tend ainsi à devenir le nouvel or noir asiatique. Un produit de plus en plus coûteux, car c'est avec des cheveux naturels que sont réalisées les plus belles perruques. En Europe, la concurrence gronde. En Sicile, d'irréductibles travailleurs du cheveu refusent de considérer cette matière première comme une banale denrée industrielle. Ces artisans de père en fils se consacrent uniquement aux chevelures occidentales, destinées notamment aux milieux artistiques. Un savoir-faire d'un autre âge, absorbé malgré lui par un sacré business.