Rio, Mistico e Mitico

"Subitement un éclair jaillit au loin, au fond de la gigantesque baie, et d’un seul coup toutes les lampes le long de la mer se sont allumées.(…) À mesure que la ville s’enflamme, l’obscurité s’intensifie sur les montagnes et sur l’eau. Aucun mot ne saurait décrire ce noir qu’atteint la nuit dans les tropiques ; c’est un noir étincelant, humide, qui exhale en quelque sorte sa noirceur, un noir en même temps souple comme le velours et profond, et sur cette nuit originelle se déplacent à présent les lumières des ferry-boats tandis que les bouées lancent des éclairs rouges et verts. Chaque lumière à son tour se reflète et se répète - et pourtant elle se perd dans la formidable immensité de la nuit. On ne parvient pas à détacher son regard de ce miroir magique où commencent maintenant à se réverbérer délicatement et de façon encore incertaine, les étoiles qui se réveillent ; et lorsque, subjugué par ce spectacle émouvant à l’extrême, on se détourne de la mer pour contempler les montagnes, c’est un nouvel émerveillement. Car, au sommet du Corcovado resplendit la croix illuminée, mais le sommet lui-même, on ne le perçoit plus que dans la nuit métallique. On ne voit que la croix ! Elle semble flotter dans le vide, dans le ciel, à des milliers et des milliers de mètres de distance, constellation plutôt qu’œuvre humaine, et de loin elle rougeoie à l’intention des navigateurs, plus brillante que le moindre fanal, véritable emblème de la ville."
(Les Films du Tambour de Soie)