Sulawesi, les nomades de la mer

Les Bajau sont des nomades des mers. Depuis plus de trois siècles, ce peuple de pêcheurs, cueilleurs et chasseurs sillonne les mers entre l'Indonésie, la Malaysie et les Philippines. Ils n'ont d'autre foyer que leur bateau. Mais, depuis quelque temps, sous la pression du gouvernement indonésien qui entend les sédentariser, leur nomadisme est devenu épisodique. Combien de temps encore pourront-ils conserver leur culture ancestrale ?
Aujourd'hui, les Bajau passent le plus clair de l'année dans une maison sur pilotis. Mais parfois, l'appel du large et de l'estomac est trop fort, et ils partent en mer pour aller à la pêche au harpon. Ils se nourrissent de ce que la nature leur offre : du poisson et des fruits de mer. Et revendent des moules, des concombres de mer et du poisson séché. Ima et Musir préparent l'embarcation pour une sortie qu'ils appellent "pongkat". Pendant plusieurs jours, ils quittent leur village sur pilotis pour aller pêcher dans les eaux turquoise qui entourent les îles désertes alentour. Comme leurs aïeux, ils retrouvent alors la vie sur leur bateau.
Le village de Kabalutan est situé sur l'archipel des Togian dans le nord des Célèbes. C'est là que vivent environ 3000 Bajau. Dans leur vocabulaire, les maisons qu'ils ont construites sur pilotis sont des "bateaux fixes". Les Bajau ne sont pas à leur aise sur la terre ferme. Les constructions sur pilotis sont pour eux un moindre mal, c'est leur façon de céder à la pression du gouvernement indonésien qui veut les sédentariser pour scolariser les enfants. En un tournemain, le bateau est prêt pour "pongkat", une grande virée dans l'archipel des Togian, sur la ligne de l'équateur. Les Bajau sont originaires de ce qu'on appelle ici le triangle des coraux, un endroit où la mer, peu profonde, abonde de toutes sortes d'espèces.
Chez les Bajau, la pêche est l'affaire autant des hommes que des femmes. Equipés d'un harpon ou d'un couteau à moules, ils parviennent à rester sous l'eau jusqu'à 5 minutes en apnée. Ima, Musir et les autres nomades des mers n'ont besoin pour s'orienter ni de cartes marines, ni d'appareils de navigation. Ils connaissent le sous-sol marin et les îles comme leur poche. C'est ici, partout dans ce vaste espace entre les récifs coralliens de l'archipel des Togian, qu'ils se sentent vraiment chez eux.