The Devil's Horn

Au milieu du XIXe siècle, le Belge Adolphe Sax donnait son nom à un instrument à vent promis à une belle postérité. Et qui serait, nous dit-on ici, la "création diabolique d'un inventeur fou [...] assailli par la vision de démons dansants". Bigre... San être vraiment dupe de ces origines prétendument sataniques, Larry Weinstein - documentariste réputé, spécialiste de l'histoire de la musique - semble assimiler sa pratique à une forme de possession, souvent liée à la toxicomanie chez les saxophonistes de jazz. Voilà qui contraste avec la quiétude provinciale de la jolie petite ville de Dinant, dans la province de Namur, qui fêtait fièrement il y a deux ans le bicentenaire de la naissance du génie tourmenté… Versatile, le saxo se plie simplement aux désirs de celui qui lui insuffle la vie. Si Berlioz avait très tôt reconnu ses exceptionnelles qualités expressives, proches de celles de la voix humaine, l’instrument fut d’abord adopté en Europe par les fanfares militaires, avant de connaître outre-Atlantique le destin que l’on sait. The Devil’s Horn nous promène ainsi d’une époque, d’un continent et d’un genre à l’autre, au fil d’une galerie de portraits un peu lâche et inégale, mais d’où émergent quelques figures passionnantes. Parmi elles, le puissant expérimentateur Colin Stetson ou l‘émouvant vétéran Giuseppi Logan, qui aurait pu devenir un grand nom du free jazz et qui vit aujourd’hui de l’aide sociale, jouant sur un banc du parc de Tompkins Square à New York.
(Vincent Arquillière)