Francis Scott Fitzgerald, retour à Babylone

Je jette un coup d'œil par la fenêtre. Le "Super Chief" vient de quitter El Paso. Ce train légendaire qui, dans les années 30, emmenait vers Hollywood les célébrités de la Côte Est attirées par les mirages et les dollars du cinéma, n'est plus qu'une sorte de train fantôme habité par des ombres. Cela me convient parfaitement, même si je sais qu'il est difficile de filmer les ombres.
Près de moi, avec moi, 2 gros albums bourrés de photos et de coupures de presse avec cette inscription : F.S Fitzgerald, 597 5th Ave, New York. Tout le début de l'histoire est là, dans ces pages que je feuillette sans cesse. Tout est là, sous mes yeux, comme les vestiges d'un bonheur trop vite dilapidé. L'Europe, la Riviera, les terrasses de Montparnasse et les sourires d'Italie. Mais, déjà, je crois deviner la fêlure... l'ombre du malheur.
Personne ne m'attend à la gare. Personne non plus n'attendait Scott lorsqu'il descendit du "Super Chief" et se rendit en taxi au "Garden of Allah", là où séjournaient les écrivains de l'Est venus vendre leur talent à Hollywood. C'était le 8 juillet 1937.