Une vraie boucherie

En quarante ans, 40 % des boucheries artisanales ont disparu de nos villes et de nos villages. À la devanture de celles qui restent, plus une tête de cochon, rien qui évoque crûment l’origine animale de ces pièces de viande dont la consommation a baissé de 12 % en dix ans. Dans une société où le regard porté sur les bêtes a considérablement changé, où certains voient leur boutique attaquée par des militants de la cause animale, des passionnés continuent d’exercer le métier de boucher avec une conviction intacte. Une vraie boucherie donne la parole à certains d’entre eux, révélant des variations sensibles en fonction des générations. S’il n’occulte pas le rythme de travail effréné propre à la grande distribution, le réalisateur Philippe Lagnier a choisi de s’attacher au meilleur de la profession — de Denis, qui l’exerce depuis près d’un demi-siècle, à Amandine, jeune apprentie qui refuserait d’abattre une bête, pour "avoir la conscience tranquille".
On pourra reprocher à sa réalisation de hacher leurs interventions, comme trop souvent dans les documentaires de témoignages. Mais quand Hervé, à l’évocation d’une bête à laquelle il s’était attaché, chasse une larme d’un mouvement de tête rappelant celui d’une vache, on entrevoit la singularité, voire les contradictions de son métier.
(François Ekchajzer)