Togliatti à la dérive

La ville de Togliatti, symbole du progrès et fierté de l’Union Soviétique, est devenue l’une des plus pauvres de Russie. L’industrie automobile faisait sa renommée car on y fabriquait la légendaire Lada. Trente ans après la chute du mur, la ville tombée en décadence connaît l’un des taux de chômage des jeunes le plus élevé du pays.
C’est dans ce contexte qu’est né Boyevaya Klassika (littéralement Combat Classique), un mouvement initié par des adolescents qui retapent les vieilles voitures sorties de l’usine locale. Il ne s’agit pas seulement de leur offrir une deuxième vie, mais de les customiser pour ensuite les détruire, de faire des courses et de se mesurer à l’autre en pratiquant le drifting, technique de glisse souvent spectaculaire.
Togliatti à la dérive explore les conflits et les rêves de jeunes gens qui, pris au piège, s’adonnent à un moyen d’expression à l’image de la seule promesse d’avenir que la société leur offre : la dérive.

"Pas de place pour la nostalgie à Tolyatti, le "Détroit russe", ville nouvelle créée il y a une cinquantaine d’années pour accueillir la construction massive de la Lada, cousine soviétique de la Fiat italienne, devenue symbole du progrès soviétique dans les années 1970. À Tolyatti, cet héritage de gloire chanté par les ancien·ne·s est toutefois devenu un véritable fardeau pour des jeunes désenchanté·e·s et privé·e·s de perspectives. Alors que les vœux de Nouvel An de Vladimir Poutine sont remplis de promesses d’un avenir radieux, la seule distraction dans ce non-lieu sinistré se monte à des courses nocturnes à bord de vieilles Lada bricolées (sacrilège ultime !) et de séances de drifting sur les eaux gelées qui se déversent dans la Volga. Car il y a bien eu, malgré tout, une transmission de la passion automobile que Laura Sistero réussit à traduire en images, avec un vrai sens de la mise en scène et une puissance visuelle et sonore pour filmer les corps, dans un film habité par le désarroi de ses personnages."
(Javier Martín - Visions du Réel)