Werner Herzog, cinéaste de l'impossible

D’un pas mesuré, il s’approche de la bâtisse où il a grandi avec ses deux frères, Tilbert et Lucki. En 1942, peu après sa naissance, c’est là, à Sachrang, un village des Alpes bavaroises, que sa mère a trouvé refuge, un bombardement ayant détruit leur appartement à Munich. Retrouvant le décor de ses jeunes années, Werner Herzog se remémore sa jeunesse sans père - "sans commandant en chef à la maison" -, la faim permanente aussi, qui l’a longtemps tenaillé. Happé très jeune par l’envie de faire du cinéma, il économise sur sa paie de soudeur pour réaliser ses premiers courts métrages. Après avoir gagné à 19 ans le premier prix d’un concours de scénario, il tourne Signes de vie, son premier long métrage. Quand la critique de cinéma Lotte H. Eisner le découvre en 1968, elle s’empresse d’écrire à Fritz Lang : "Le bon cinéma allemand existe à nouveau." Des années plus tard, apprenant qu’elle est malade, il fera le chemin à pied de Munich jusqu’à Paris, où elle est hospitalisée, espérant contribuer à sa guérison par ce périple. Tout au long de son œuvre, épique et foisonnante, Werner Herzog n’a eu de cesse de conjurer le destin et de s’aventurer dans des territoires inexplorés, confrontant son imaginaire à la violence de la nature et à celle des hommes. Au pied d’une cascade dont l’eau, furieuse, jaillit à flanc de montagne, il se confie : "Je me dis parfois que chaque personne possède un paysage qui correspond à son âme et c’est une idée qui occupe une place importante dans mes films. Le mien est ici."
Réalisateur d’une vingtaine de longs métrages, d’Aguirre, la colère de Dieu à Salt and Fire, de Nosferatu, fantôme de la nuit à La Ballade de Bruno et Rescue Dawn, et autant de documentaires, parmi lesquels dernièrement Au cœur des volcans - Requiem pour Katia et Maurice Kraft, Werner Herzog, 81 ans, a tracé un sillon singulier dans le septième art. Mêlant archives, coulisses de ses tournages (parfois mouvementés, notamment avec le comédien Klaus Kinski), extraits de films et témoignages de proches, de metteurs en scène (Chloé Zhao, Wim Wenders, Volker Schlöndorff...) et d’acteurs comme Christian Bale et Robert Pattinson, qu’il a dirigés, le portrait éclairant que lui consacre Thomas von Steinaecker se met aussi dans ses pas, recueillant ses souvenirs, ses rêves et ses regrets, il l'accompagne du village où il a grandi près de la frontière autrichienne jusqu’aux États-Unis où, se sentant incompris chez lui, le cinéaste allemand vit et travaille désormais.