Alexandre Medvedkine
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Alexandre Ivanovitch Medvedkine né le 8 mars 1900 à Penza, vénéré par Dovjenko et Poudovkine, mort en 1989 dans l'euphorie de la perestroïka, le cinéaste russe Alexandre Medvedkine inventa le "documentaire pamphlet", termina sa carrière par des brûlots antimaoïstes (Attention, maoïsme en 1976, Pékin, l'inquiétude du monde en 1977) et signa, un joyau muet nommé Le Bonheur, l'histoire chaplinesque d'un paysan couvert de dettes qui veut se suicider et retrouve foi en l'avenir dans un kolkhoze.
Medvedkine a commencé à faire du cinéma aux studios militaires "Gosvoenkino". Ses premiers films sont déjà marqués par ses dons, bien qu’ils n’aient pas mis pleinement en valeur son talent satirique.
Son film d’instruction militaire Les Éclaireurs, tourné en 1927, était construit de la manière suivante : à la suite de péripéties diverses, les éclaireurs se trouvent dans une situation très critique, mais à ce moment le film s’interrompt et le spectateur doit trouver lui-même une issue. Medvedkine se souvient des discussions animées qui éclataient dans la salle, après quoi le film continuait, offrant sa propre variante. Ce film avait des objectifs fort modestes, mais le simple résumé du scénario montre combien l’imagination de l’auteur était fertile.
Cette imagination généreuse l’a fort bien servi lorsqu’au début des années 30, il opta pour la difficile satire cinématographique. D’abord, ce furent des courts-métrages dont le contenu est exposé par Medvedkine avec le laconisme et la satirique qui caractérisent ses bandes elles-mêmes. "Tout le monde est aux trousses d’un petit voleur, écrit Medvedkine au sujet de son court-métrage Au Voleur ! Mais on ne remarque pas un brigand d’envergure". "De mauvais maçons, raconte-t-il en résumant un autre film, construisent une maison pour un particulier, mais elle ne tient pas debout et un cordonnier leur fait de mauvaises bottes dans cette maison, etc. Tout le monde est mécontent, tout le monde crie".
Les films de Medvedkine, sa personnalité, suscitent des débats. Le contenu percutant, la nouveauté du style, provoquent des polémiques et souvent une animosité qui provient de l’incompréhension de sa vision artistique. Mais au moment critique, les expériences du réalisateur furent soutenues et approuvées par le premier Commissaire du peuple de l’instruction publique, Anatoli Lounatcharski, qui le convia à frayer la voie à des recherches audacieuses dans le domaine du cinéma satirique.
Medvedkine connut des instants difficiles au cours des années suivantes mais resta toujours fidèle à lui-même. Il organise en 1932 cette entreprise unique dans son genre qu’était le "Train cinématographique". C’était un véritable studio sur roues qui, pendant 294 jours, alla de grands chantiers en grands chantiers, filmant les réalisations des bâtisseurs, des ouvriers, des cheminots, aussi bien que les méfaits de la gabegie et de l’incompétence. Ces brefs documentaires et semidocumentaires étaient explosifs. L’actualité des problèmes s’y combinait à un style percutant dans le traitement du sujet, la vision de l’opérateur, les effets de montage. Le travail du train ne fut pas inutile. Pas seulement parce que les films tournés eurent une influence de propagande sur les travaux de construction. Les principes du "Train cinématographique" laissèrent une trace ineffaçable dans le cinéma. Ils ont ressurgi dans les films tournés par des ouvriers français de Besançon "d’après la méthode du train cinématographique de Medvedkine", ce que Chris Marker écrivit à Medvedkine lui-même. Dans ces films, les principes de Medvedkine se traduisent par des effets de montage saisissants, à partir des épisodes les plus ordinaires de la vie des ouvriers et des patrons. Le montage révèle avec une puissance particulière l’essence des constructions sociales.
Dans ses premiers courts-métrages, dans les films du "train cinématographique", Medvedkine cherchait consciemment, délibérément, ce qui avait été réalisé spontanément sur la scène de son théâtre de soldats : l’unité du document vécu et concret. Chez un grand artiste, plus l’imagination est débridée et plus est organique son lien avec la vie quotidienne. Surtout si son art prend ses racines dans le folklore, le conte populaire, la parabole, la sotie.
Dans ses pamphlets, Medvedkine choisit généralement des scènes révélant les contradictions internes d’objets réels contenant un message sous-jacent et permettant des analogies. Pour son film La Raison contre la déraison (1960), Medvedkine a trouvé une scène où Adenauer n’arrive pas à coiffer une toque universitaire. Le réalisateur a enrichi cette brève séquence d’actualités en rappelant que la toque de Newton et de Timiriazev ne convient pas au crâne du chancelier... Pareils épisodes sont nombreux dans les documentaires de Medvedkine : La Loi de la lâcheté (1962) sur le démantèlement du système colonial en Afrique, Amitié avec effraction (1965) sur l’impuissance de l’impérialisme mondial, sa perfidie et sa cruauté dans La Sclérose de la conscience (1968) sur l’escalade de l’amoralité et le danger d’une nouvelle guerre mondiale.
(Source : www.cineclubdecaen.com)