Lotte Eisner

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Née à Berlin en 1896, Lotte Eisner se lance dans des études d'histoire de l'art et se plonge dans la littérature. Après la guerre, dans l'Allemagne de la république de Weimar, Berlin devient le centre d'une activité intellectuelle et artistique dont l'effervescence va étonner l'Europe.

Un jour, Lotte Eisner lit le manuscrit d'une pièce, Baal, dont l'auteur est Bertolt Brecht. Elle pressent l'importance que va prendre cet auteur, dont elle fait la connaissance. Elle suit, au théâtre, les mises en scènes de Max Reinhardt et devient critique dramatique au Berliner Tageblatt. Après avoir commencé à fréquenter les studios, Lotte Eisner se passionne pour le cinéma. En 1927, elle est engagée au Film Kurier où elle assure la critique cinématographique. Le cinéma allemand combine alors l'"expressionnisme", hérité de la peinture, le "Kammerspiel" (théâtre de chambre, intimiste) et le réalisme social. Murnau, en pleine gloire, est appelé aux États-Unis. Lotte H. Eisner rencontre Pabst, Ludwig Berger, bien d'autres, dont Fritz Lang qui sera toujours son ami. L'expérience des plateaux de tournage renforce son acuité critique. Mais la crise du début des années trente amène Hitler au pouvoir. Lotte H. Eisner est juive. Le 31 mars 1933, les nazis occupent les bureaux du Film Kurier. Elle doit se réfugier à Paris.

L'année 1934 marque un tournant décisif de son existence : elle fait la connaissance de Henri Langlois et de Georges Franju. C'est le début d'une grande aventure, celle de la Cinémathèque française.

1939 : la guerre éclate. Lotte H. Eisner, sous l'Occupation, échappera aux nazis en prenant une fausse identité : Louise Escoffier. En 1945, elle est nommée conservatrice et chargée des recherches historiques de la Cinémathèque française. Étroitement associée à ce qui sera toujours, pour elle, la "maison de Langlois", elle écrit des articles, entreprend de rassembler tous les documents qu'elle peut trouver : dessins, maquettes de décors, scénarios, pour le musée de la Cinémathèque. Archiviste, elle recueille des trésors ; critique de cinéma, elle provoque, déjà, une réévaluation des films américains de Fritz Lang.

En 1952, son premier livre, L'Écran démoniaque, consacré à l'époque de l'expressionnisme, est publié aux éditions André Bonne, mais dans un texte tronqué. Lotte H. Eisner a gagné depuis lors une renommée mondiale. En 1964, Eric Losfeld publie son ouvrage fondamental, F. W. Murnau. Grâce à Losfeld encore, L'Écran démoniaque paraît, en 1965, dans sa version intégrale qui sera, de nouveau, enrichie pour sa réédition, en 1981.

Entre-temps, Lotte H. Eisner, qui n'avait jamais pu se remettre du nazisme, avait tout de même renoué avec l'Allemagne. Au cours des années soixante et soixante-dix, son inlassable curiosité lui fait découvrir les jeunes cinéastes allemands porteurs d'un renouveau qu'elle attendait : Volker Schloendorff, Werner Herzog, Rainer Fassbinder, Wim Wenders.

En 1975, une opération de la cataracte contraint Lotte H. Eisner à quitter ses fonctions à la Cinémathèque française. Elle a écrit, en allemand, son livre sur Fritz Lang, qu'elle a soumis chapitre par chapitre au cinéaste, avant la disparition de ce dernier, en 1976. Insatisfaite de l'édition allemande, et des traductions anglaise et italienne, elle avait remis l'ouvrage au point avec Bernard Eisenchitz, pour une édition française publiée en 1984. Elle décède en 1983 à Garches. (Jacques Siclier)

(Source : Encyclopædia Universalis. Notice biographique mise à jour en octobre 2024)