Jean Painlevé
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La liberté est le maître mot de l’œuvre et de la vie de Jean Painlevé (1902-1989). Il ne s’attache à aucune chapelle, fait feu de tout bois. Il suit des études de médecine avant de claquer la porte, choqué du traitement inhumain affligé à un patient hydrocéphale. Il se dirige vers la biologie et se rend au centre de recherche de Roscoff dans le Finistère. Passionné par la science et l’art, il se sent proche du mouvement surréaliste, et participe au côté d’Ivan Goff et d’Apollinaire au premier (et unique) numéro de la revue "Surréalisme". Dès son plus jeune âge, il s’intéresse à la photographie et par prolongement au cinéma.
Jean Painlevé se situe dans la lignée des travaux d’Etienne Jules Marey, l’inventeur du cinéma scientifique. Auteur de plus de 200 films, à la croisée de la recherche scientifique et de l’esprit rebelle de l’avant-garde, Jean Painlevé a consacré sa vie à l’infiniment petit, avec une prédilection pour la faune aquatique en développant les technologies les plus pointues (caméra sous-marine, trucage, ancêtre du steadycam), tout en y mêlant ses images au jazz de Louis Armstrong et de Duke Ellington ou aux musiques électroniques de Pierre Henry.
Dès 1925, il réalise un premier film, L'Œuf d'épinoche : de la fécondation à l'éclosion. Ses productions suivantes suivent la même thématique : le monde animal.
Painlevé s'essaie à la réalisation d'une fiction avec L'Inconnue des six jours (1926) et s'autorise un autre écart en 1936 avec Barbe bleue, un film d'animation en collaboration avec le sculpteur René Bertrand, mais l'essentiel de son travail est voué aux documentaires. Le cinéaste, proche des surréalistes et du mouvement anarchiste, apporte une dimension poétique et artistique à un genre habituellement boudé par les cinéphiles. Il montre un talent certain de metteur en scène, comme dans La Pieuvre (1928) qui évoque des passages des Chants de Maldoror de Lautréamont. Painlevé donne une dimension dramatique à l'animal en filmant les caresses de ses tentacules sur la tête d'une poupée ou sur un crâne.
En 1933, il remporte son plus grand succès public avec L'Hippocampe, un film sur cet étrange cheval aquatique dont le mâle accouche dans la douleur.
Lorsque survient la guerre, il suspend toute activité cinématographique pour s'engager dans la Résistance.
En 1945 sort en salles Le Vampire, allégorie du nazisme à travers un document zoologique sur une chauve-souris d'Amérique du Sud. Painlevé récidive dans l'étrange avec Assassins d'eau douce (1946), où des insectes et des larves s'entre-tuent dans des mares. La bande-son (du jazz ou de la musique concrète) et les commentaires (certains sont des alexandrins) participent au lyrisme de ses films, notamment dans Histoire de crevettes (1964), où on assiste à la mue de l'animal laissant derrière lui sa carapace translucide. En 1982, il réalise un dernier film, Les Pigeons du square, véritable hommage au précurseur Marey qui décomposa les mouvements des oiseaux par une série de photogrammes.
Au-delà de la seule réalisation, il combat pour la reconnaissance et le développement du cinéma scientique, mais aussi de sa libération. Il fonde en 1930 "l’Association pour la documentation photographique et cinématographique dans les sciences". La même année, il monte sa propre société de production, "Les Documents cinématographiques", et devient le seul producteur de ses travaux.
(Source : Ciné-ressources & DVDClassik)
"Le métier comporte ses joies pour ceux qui aiment la mer, pour ceux qui l’aiment jusqu’à l’exclusion de toute autre possibilité de joie naturelle. Patauger jour et nuit par n’importe quel temps même où l’on sait ne rien trouver, de l’eau au nombril ou aux chevilles, fouiller partout, algue ou pieuvre, s’hypnotiser sur une mare sinistre où tout vous guette alors que rien n’y vit — extase de n’importe quel intoxiqué y compris le chien de chasse kilométrant en tous sens avec un plaisir infini le champ dont chaque repli cache, au plus, une vieille patate."
Jean Painlevé Les Pieds dans l’Eau - Voilà - 4 mai 1935
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