Fernand Deligny

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Fernand Deligny est né en 1913 à Bergues, à 60 kms de Lille, près de la frontière belge. […] Il abandonne des études de psychologie et de philosophie et passe une grande partie de son temps dans les salles obscures et au ciné-club de son ami Pierre Hirsch. Il dirige une revue estudiantine, Lille-Université, dans laquelle il publie des compte-rendus de films de production courante et expérimentaux (L’Étoile de mer de Man Ray et Symphonie d’une grande ville de Walter Rutmann). […]

Avec le soutien du psychobiologiste Henri Wallon et du psychiatre Louis Le Guillant, personnalités éminentes du parti communiste (Deligny devient lui-même membre du PCF en 1948), il crée à Paris La Grande Cordée, "tentative de prise en charge en cure libre d’adolescents caractériels, délinquants et psychotiques". L’association s’appuie sur les mouvements d’éducation populaire et sur un réseau de militants communistes, trotskystes et anarchistes. Les adolescents sont envoyés pour des apprentissages professionnels dans des familles d’accueil ou dans des auberges de jeunesse.

Durant l’été 1954, La Grande Cordée séjourne dans le Vercors. Le soir, les adolescents projettent des films (La Marseillaise de Renoir, Tempête sur l’Asie de Poudovkine) dans les hôtels environnants. À l’issue de ce séjour, Deligny publie dans Vers l’éducation nouvelle, la revue des Ceméa (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active), un texte intitulé La caméra, outil pédagogique qui témoigne de la place qu’il entend donner au cinéma dans l’organisation. […]

François Truffaut rend visite à Deligny sur les conseils d’André Bazin. Le jeune cinéaste achève l’écriture des 400 coups. Deligny lui suggère l’idée de la fugue de l’enfant vers les plages du nord, à la fin du film. Deligny sollicite ensuite l’aide de Truffaut pour produire La Vraie Vie, dont il envisage de confier la réalisation aux adolescents. Le film, qui devait faire l’apologie des procédés de La Grande Cordée (par contraste avec la vie en structure fermée), n’a pas lieu.

Le tournage du Moindre Geste commence en 1963 dans les environs d’Anduze. Deligny écrit une fable de quelques lignes et met en scène. Josée Manenti assure les prises de vues, Guy Aubert enregistre les sons. Yves G., adolescent confié à Deligny en 1957, joue le rôle principal. Le film, monté par Jean-Pierre Daniel à Marseille puis à Paris (le financement du montage est assuré par la coopérative Slon, fondée par Chris Marker) est présenté à la semaine de la Critique à Cannes en 1971. Il sort dans les salles en 2004. […]

En 1978, Alain Cazuc tourne Projet N, un reportage (plus descriptif que ne l’était Ce Gamin, là) sur la vie dans les aires de séjour du réseau. À la fin des années 1970, la pratique des lignes d’erre est remplacée par la vidéo à l’usage des parents des autistes. La pensée de Deligny sur le langage, le pouvoir, l’humain, l’espèce, prend une tournure philosophique et anthropologique. Il est plus isolé, moins sollicité. Le réseau se réduit. Il rédige Acheminement vers l’image et entreprend un second film avec Renaud Victor, Fernand Deligny, à propos d’un film à faire, dans lequel il médite sur les rapports entre langage et image. [...]

Après avoir abandonné L’Enfant de citadelle, Deligny écrit deux derniers recueils d’aphorismes, Copeaux, et Essi (Et-si-l’homme-que-nous-sommes). Il meurt le 18 septembre 1996, laissant à Gisèle Durand et Jacques Lin la charge de poursuivre sa tentative.

(Source : Sandra Alvarez de Toledo - Cineclub de Caen)