Robert Frank

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Né à Zurich en 1924, Robert Frank a grandi en Suisse, au sein d’une famille juive aisée.[...]

Dès 1941, le jeune Robert, qui a découvert la photographie vers l’âge de douze ans, fait son apprentissage chez le photographe et graphiste Hermann Segesser qui l’initie à l’art moderne, et en particulier à l’œuvre de Paul Klee. De 1942 à 1944, Robert Frank poursuit sa formation dans le studio de Michael Wolgensinger (ancien assistant de Hans Finsler, le directeur de la classe de photographie de l’école d’arts appliqués de Zurich), qui lui transmet ses idées sur la photographie. Par ailleurs, influencé par Arnold Kübler, directeur de magazines (en particulier de du) encourageant le développement du photojournalisme, Robert Frank fait également des incursions dans le registre du documentaire sur des sujets liés à la vie quotidienne. "Je ne savais pas ce que je voulais, mais je savais certainement ce que je ne voulais pas"», a-t-il déclaré en évoquant ces années de formation qui prennent fin en 1946 avec un portfolio à spirale, 40 Photos – vues de son pays et photographies de rue prises sur le vif qui se succèdent sans lien narratif ou linéaire apparent.[…]

Depuis la fin des années 1950, Frank tourne des films et des vidéos à caractère autobiographique et expérimental qui prolongent les investigations formelles de ses polaroïds. Dans les années 1970, sa démarche le conduit à un dialogue réflexif entre textes et images.

Les drames que Robert Frank a traversés – la mort de ses deux enfants, Andrea, sa fille, en 1974 et Pablo, son fils, en 1994 –, ont transformé le détachement de ses débuts en une volonté constante de mise à nu et d’introspection. Il recherche de façon récurrente la vérité et explore dans son œuvre deux univers : celui qui l’entoure et celui qui le constitue. "Je fais toujours les mêmes images. Je regarde toujours l’extérieur pour essayer de regarder l’intérieur, pour essayer de trouver quelque chose de vrai mais peut-être rien n’est-il jamais vrai.”[…]

Dans la continuité des Américains, Robert Frank réalise son premier film en 1959 avec le peintre Alfred Leslie, adapté du troisième acte d‘une pièce de théâtre inachevée de Jack Kerouac, The Beat Generation On The New American Church. Pull My Daisy – le titre étant issu d‘un poème improvisé par Kerouac, Allen Ginsberg et Neal Cassady au cours d‘une performance – relate la rencontre entre un évêque et un groupe de jeunes poètes. Ginsberg et Peter Orlovsky, mais aussi les artistes Larry Rivers, Alice Neel, Mary Frank et l’actrice Delphine Seyrig, y jouent leur propre rôle. La mobilité des prises de vues évoque les déplacements de l’œil et instaure une forme d’empathie avec ce qui est photographié et filmé : les expérimentations artistiques, littéraires et musicales, les soubresauts de la libéralisation des mœurs des années 1960, et, plus généralement, les émotions et les processus qui les explorent. En réalité, l’apparent chaos du langage cinématographique, comme l’absence de structure narrative, objectifs revendiqués de l’artiste, sont le résultat d’un travail approfondi.

À l'instar de sa photographie, le cinéma de Frank repousse les codes en vigueur et atteint les limites du genre sans toutefois s’y installer. Pull My Daisy a été à l’origine du New American Cinema Group fondé en 1960, avec Jonas Mekas et John Cassavetes, destiné à défendre l’indépendance du cinéma expérimental.

True Story (2004) est la vidéo la plus récente de Robert Frank. Commentant en voix off des scènes tournées dans son appartement new-yorkais et sa maison de Mabou, en Nouvelle-Écosse, le cinéaste renoue dans ce film avec les thèmes de la mémoire et de la perte. True Story comprend des extraits de films antérieurs, des photographies, des œuvres de June Leaf, sa seconde femme, et des lettres écrites par son fils Pablo. Tour à tour poignante, réfléchie, ironique et pleine de colère, cette autobiographie ne cherche pas à enjoliver les faits, ni à les expliciter. True Story nous confronte à la profondeur des sentiments et des blessures, et à la force qu’il faut pour les déchiffrer et les ramener du côté du vivant.

(Source : Jeu de Paume)

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