Manon Loizeau

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Manon Loizeau, née à Londres en 1969, est une journaliste et réalisatrice franco-britannique. À 24 ans, elle s’installe à Moscou après avoir fait des stages au Nouvel Observateur et à Libération. Elle envoie alors un CV au bureau du Monde et à celui de la BBC, qui la feront travailler régulièrement. Puis, elle glisse peu à peu de l’écrit vers l’image. "Au départ je voulais faire des sujets plus culturels, sur le théâtre notamment", raconte-t-elle - héritage d’une famille franco-britannique, un père journaliste au Matin de Paris et une mère artiste.

Mais la première guerre en Tchétchénie et la maladie de Boris Eltsine l’orientent vers d’autres thématiques. Son film Grozny, chronique d’une disparition, tourné clandestinement en 2003 sera unaniment salué comme un événement, couronné par de multiples prix (Grand Prix "Reporters sans frontières" 2004, et deux prix au Festival international du grand reportage d’actualité Figra 2004).

En 2010, Manon Loizeau se tourne vers l’Iran de Mahmoud Ahmadinejad. Sa Chronique d’un Iran interdit, présenté à Saint-Malo en 2011 revient sur l’onde de choc provoquée par les révolutions arabes. Interdite d’entrée dans le territoire, elle recueille de nombreuses images clandestines, et reconstitue la réalité de ce territoire interdit. En 2012, elle décide de poursuivre son enquête en Syrie, territoire lui aussi interdit aux journalistes. Grâce à la complicité d’opposants au régime de Bachar al Assad, elle s’est rendue à Homs, le centre de la révolte. Dans une atmosphère de terreur, au cœur de manifestations interdites, elle a recueilli les témoignages des victimes de la torture, a assisté elle-même à la répression et vécu, durant une semaine, le quotidien des déserteurs de l’armée syrienne qui organisent la résistance.

Après Chronique d’une révolution, documentaire composé de témoignages clandestins sur la répression de la révolution verte en Iran et le bouleversant Syrie Interdite, Manon Loizeau est allée en 2013 à la rencontre de la "dame de Rangoun". Un an après son élection au Parlement birman, la journaliste esquisse un portrait subtil d’Aung San Suu Kyi l’opposante de longue date, assignée à résidence pendant 15 ans.

Ensuite c’est au Yémen qu’elle se rend pour dresser le portrait d’autres femmes fortes qui se battent pour la démocratie et leurs droits et continuent ainsi ces "Printemps arabes". Vingt ans après sa couverture de la seconde guerre d’indépendance en Tchétchénie, Manon Loizeau revient dans cette petite république caucasienne et musulmane "pacifiée" par la terreur et mise en coupe réglée par le "dictateur" Ramzam Kadyrov, qui s’emploie à éradiquer la mémoire de la guerre comme l’histoire du pays. Le peuple, bléssé et en deuil doit jouer le jeu du pouvoir pour survivre. Dans Tchétchénie, une guerre sans traces, la journaliste rend hommage à tous ces Tchétchènes qui ont pris d’énormes risques pour que soit brisé le silence sur une tragédie qui continue bien que la guerre soit finie.

En 2017, elle réalise Silent War, un documentaire bouleversant qui donne la parole aux victimes d’une guerre dont on ne parle pas, celle où le corps des femmes est devenu territoire de guerre. Un crime organisé, réfléchi car il est fondé sur l’un des tabous les mieux ancrés dans la société traditionnelle syrienne et joue sur le silence des victimes, convaincues de risquer le rejet par leur propre famille, voire une condamnation à mort. Un film exceptionnel qui lui vaut pour la deuxième fois d’être Lauréate du Prix de l’Organisation Mondiale contre la Torture.

(Source : Étonnants Voyageurs - Festival international du livre et du film)

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