Étudiant en histoire, en droit et en musique, Alexander Kluge obtient un doctorat de droit et s'établit comme avocat en 1958. Pendant ses études à Francfort, il se lie d’amitié avec le philosophe Theodor Adorno qui l’encourage à s’intéresser au cinéma et le présente à Fritz Lang, dont il deviendra en 1958 l’assistant. Il réalise plusieurs courts métrages entre 1960 et 1962.

En 1962, il est parmi les rédacteurs du manifeste d'Oberhausen, qui annonce le renouveau du cinéma allemand. Dirigeant l'Institut für Filmgestaltung de l'université d'Ulm, ce pionnier du nouveau cinéma crée en 1963 sa propre société de production et contribue en 1965 à la Fondation du curatorium du jeune cinéma allemand (qui financera de nombreuses premières œuvres).

Il tourne en 1965-66 son premier long métrage, Anita G, adapté d'une nouvelle qu'il a publiée dans son recueil Lebensläufe (1962). Couronné à Venise, ce film, qui révèle (avec le premier Schlöndorff) l'existence d'une Nouvelle Vague en Allemagne, annonce les constantes du style de Kluge (au-delà de certaines influences godardiennes) : importance du montage, procédés de distanciation, refus de tout esthétisme, recours à la voix off et au découpage en chapitres, insertion de séquences quasi documentaires, ironie dans la narration, critique sociale fondée sur une analyse des contradictions des personnages...

Une puissante personnalité s'affirme dans les films suivants : Les Artistes sous le chapiteau : perplexes (1967), film d'allure nettement moins réaliste, plus symbolique, plus nonsensique aussi ; Travaux occasionnels d'une esclave (1973), un approfondissement de la méthode d'Anita G. En 1974, avec In Gefahr und grösster Not bringt der Mittelweg den Tod (co-réal. E. Reitz), il mêle plusieurs récits et joue avec les mythes politiques et cinématographiques. La théorie du montage qui fonde ce dernier film triomphe dans La Patriote (1979), dont les apparences de complexité (s'agissant de l'histoire de l'Allemagne et des difficultés de la relater) ne masquent ni la lucidité ni l'humour. En 1975, il renoue avec une méthode de narration plus linéaire dans Ferdinand le radical, récit mettant en cause le culte allemand de la sécurité.

N'ayant jamais cessé de militer pour le cinéma indépendant, il a également contribué aux essais de film collectif à contenu politique : L'Allemagne en automne (1977-78), où ses séquences annoncent La Patriote, et Le Candidat (1980), film-pamphlet, mais surtout réflexion sur les murs politiques du pays, où l'on retrouve son humour et son sens du montage. En 1983, il tourne La Force des sentiments après avoir participé à un film collectif : Guerre et Paix (avec Heinrich Böll, V. Schlöndorff, Stefan Aust et Axel Engstfeld) ; en 1986, Informations diverses et L'Attaque du présent sur le reste du temps un film mi-documentaire, mi-fictionnel.

Il a publié de nombreux textes, dont Anita G, Stalingrad, description d'une bataille (Schlachtbeschreibung), et des ouvrages sur la théorie du cinéma et les institutions. Depuis 1988, il se consacre à la réalisation d'émissions culturelles à la télévision.

(Source : hors-circuits)


+ Site dédié à Alexander Kluge

+ Consulter l'ouvrage Alexander Kluge - L'insolence du son au cinéma, Maguelone Loublier, Éditions Mimésis, 2023

+ Rétrospective Alexander Kluge à la Cinémathèque française en 2013 - Texte de Pierre Gras


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