Volkspolizei 1985

"Sans but précis, la caméra traverse un étroit couloir oppressant. De rares néons éclairent d'une lumière blafarde le fonctionnaire qui débouche d'une porte latérale, pour disparaître aussitôt dans le dédale des corridors. Derrière les portes, on entend le cliquetis de machines à écrire, recouvert par une rengaine promettant amour et bonheur. La triste et labyrinthique caserne de police du district Mitte Berlin/Ost constitue le décor du film de Thomas Heise. C'est là que le réalisateur a observé le travail quotidien de la Police populaire en avril 1985. Une fois terminé, son film noir et blanc a été interdit de projection en RDA. Dix-sept ans après, Volkspolizei/1985 peut être vu en version intégrale, avec une bande-son en partie reconstituée. Tour à tour, Heise montre les policiers déclinant leur curriculum avec monotonie au cours d'entrevues, puis lors d'interrogatoires et d'arrestations. Rien de spectaculaire ne se passe durant le service, malgré l'approche des fêtes du 1er mai. À cette occasion, les "provocations" doivent être contrées résolument et la "concentration de jeunes" sévèrement contrôlée, déclare un supérieur aux policiers. Ils arrêtent alors un punk inoffensif, ou un valet de ferme qui rôde sans argent dans Berlin. Le cameraman, Peter Badel, montre également ce type de scènes à distance respectable. Mais ses prises de vue sont bien plus que de simples documents. Un cadrage précis, délimité par les portes, transforme les bureaux en tréteaux sur lesquels les policiers apparaissent comme acteurs, comme si leur vie quotidienne monotone était sans espoir, un jeu absurde. Elias Schafroth - traduction : Douglas Heingartne"
(Visions du Réel)